Muriel Jamot, directrice des métiers sanitaires, sociaux et médico-sociaux à la Croix-Rouge française, souligne combien l’association est « forte tout à la fois de son réseau de bénévoles et de ses établissements maillant le territoire » pour apporter écoute et soutien aux proches aidants. Le réseau est d’ores et déjà engagé dans une multitude d’actions en la matière.
Les équipes spécialisées Alzheimer
Parmi les dispositifs innovants on peut citer notamment le rôle central des équipes spécialisées Alzheimer (ESA), dont se sont dotés 24 de ses 39 services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Créées par le Plan Alzheimer 2008-2012, ces ESA, composées de professionnels (ergothérapeute, psychomotricien, assistant de soins en gérontologie… encadrés par un infirmier) interviennent, sur prescription médicale, pour 12 à 15 séances sur 3 mois, renouvelables tous les ans, et proposent, au cours de ces séances, conseil et soutien aux aidants. « Dans le Nord, et près de Saint-Etienne, SSIAD, SSAD (services de soins à domicile) et SPASAD (services polyvalents d’aide et de soins à domicile) ont par ailleurs monté un partenariat fort avec les bénévoles des délégations locales qui accompagnent, une à deux fois par semaine, les professionnels se rendant à domicile pour réaliser des "visites de courtoisie" – histoire de rompre la solitude souvent pesante des personnes dépendantes et de leurs proches ».
Les haltes répit-détente Alzheimer
Murielle Jamot cite aussi, bien sûr, le rôle fort des Haltes répit-détente Alzheimer (HRDA). Né en 2006 au sein de l’unité locale de Châlons-en-Champagne (Marne), le dispositif a essaimé depuis sur une large partie du territoire national. Il existe aujourd’hui 31 HRDA. « Au sein de ces espaces, les aidants peuvent participer, avec leur proche fragilisé, à des activités ludiques que la maladie avait pu faire oublier. Ou en profiter pour s’échapper quelques heures pour dormir, aller prendre un café, retrouver des amis, ou honorer un rendez-vous administratif incontournable », souligne Murielle Jamot. Les échanges noués entre bénévoles et aidants en ces lieux sont aussi l’occasion, souvent propice, au repérage d’une éventuelle détresse – le besoin d’un aidant d’un plus fort soutien psychologique et/ou social. Dans ces cas, les bénévoles peuvent orienter vers le dispositif Croix-Rouge écoute ou vers des espaces dédiés proposés par d’autres structures, type "cafés des aidants" de l’Association française des aidants, "groupes de paroles" de France Alzheimer ou de la Maison des aidants, ou encore vers les Maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (Maia).
Décloisonner le mantien à domicile et l'accueil en EHPAD
Le soutien aux aidants offert par la Croix-Rouge française passe, qui plus est, par le décloisonnement entre domicile et Ehpad. Engagé depuis plusieurs années, celui-ci s’est notamment traduit par la multiplication des places d’accueil de jour et d’accueil temporaire dans la plupart des établissements de l’association. L’un des Ehpad de la Croix-Rouge française, à Fournes-en-Weppes (Nord), est d’ailleurs entièrement dédié à l’accueil temporaire pour lequel il dispose de 41 places. « Particulièrement pertinents dans les grandes agglomérations, ces accueils temporaires, appelés à se multiplier, sont d’autant plus intéressants qu’ils ont une taille critique minimum – une vingtaine places – synonyme de projet dédié, assorti à une formation des équipes », souligne Murielle Jamot.
L’association s’apprête aussi à se lancer, en octobre, à Sartrouville, dans l’expérimentation d’un "Ehpad@dom" - soit la proposition, faite à 24 personnes âgées de plus de 75 ans sur le point de rentrer en Ehpad, de rester à domicile avec un accompagnement renforcé. Coordination des interventions assurée par l’Ehpad, participation possible aux activités et repas de l’établissement, mise à disposition d’un lit d’urgence, astreintes infirmières la nuit, système de détection des chutes et mise à disposition à domicile de l’agent d’entretien de l’Ehpad, 1 à 2 heures par mois. L’expérimentation, accompagnée d’une étude, doit durer deux ans. Et si certaines des 24 personnes incluses peuvent vivre seules, d’autres vivent avec un aidant proche…
Accompagner les aidants
« L’aide aux aidants… Le sujet est bien au cœur de nos pratiques », insiste Murielle Jamot, évoquant d’autres projets à venir, comme le dispositif "vacances répit famille", inscrit dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement (ASV) : 600 places sont à l’heure actuelle prévues, la Croix-Rouge française ayant répondu à un appel d’offre pour en créer une soixantaine à Couches (Saône-et-Loire). Elle envisage également le "baluchonage", un dispositif venu du Québec, consistant à ce que des professionnels se relaient nuit et jour auprès de la personne dépendante, à son domicile, en l’absence de l’aidant. Pour le moment, il se heurte au droit du travail français, mais dans la foulée d’un rapport sur le sujet rendu au printemps par la députée Joëlle Huillier, une expérimentation est prévue dans trois départements, au mieux en 2018. La Croix-Rouge française souhaiterait y participer.
4,3 millions de personnes, dont une majorité de femmes, épaulent un proche âgé dépendant.
Plus de 11 millions de personnes consacrent une partie de leur temps à s’occuper d’un proche dépendant, malade ou handicapé.
Agés en moyenne de 58 ans, ces aidants sont, pour l’essentiel, des membres du cercle familial – le conjoint, le plus souvent, ou l’enfant.
Mais près de 18 % des aidants sont aussi des amis, des voisins…
Le nombre des plus de 85 ans (1,4 million aujourd’hui) va quadrupler d’ici à 2050.
Actuellement, 1,2 million de personnes âgées souffrent de perte d’autonomie. Un chiffre qui doit doubler d’ici à 2060.
Véritable enjeu de société, l’accompagnement des aidants proches a encore du chemin à faire. Mais les choses avancent. Dessinant quelques-unes des pistes à améliorer à l’avenir, Murielle Jamot évoque la nécessité d’informer davantage les aidants sur les dispositifs existants : « Ils sont sans doute insuffisants, mais il en existe. Encore faut-il les connaître ». Il est aussi impératif que les entreprises - la moitié des aidants travaillant - s’impliquent davantage sur cette problématique sociétale. L’urgence étant d’offrir aux aidants davantage de lieux d’écoute et de répit.
La Croix-Rouge française et l'Association française des aidants ont signé une convention de partenariat
Leur objectif, contribuer conjointement au développement d’actions en faveur des aidants, quels que soient l’âge et la pathologie des personnes accompagnées.
Parmi les pistes majeures d’actions communes nées de ce partenariat, citons la réponse à des appels à projets, le souhait de développer des actions locales telles que des « cafés des aidants" ou "ateliers santé des aidants", ou encore les projets de formation des aidants, ainsi que des professionnels ou des bénévoles.
Cet axe formation est particulièrement fort en cette année 2017, l’Association française des aidants ayant remporté un appel d’offre pour un programme national de formation en ligne. Ces formations, se voulant très opérationnelles, sont déclinées sur Internet depuis le mois de septembre.
Ce programme a bénéficié du soutien conjoint de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et d’AG2R La Mondiale. La plateforme créée par l’association doit notamment permettre aux aidants de pouvoir se questionner et d'analyser les situations vécues dans la relation au proche "afin de trouver les réponses adéquates". L'objectif est également de mieux connaître et mobiliser les ressources existantes sur le territoire de santé.
« En Martinique, ce sont les professionnels du service de soins à domicile (SSAD) de la Croix-Rouge française qui vont mettre en place un programme de formation pour l’Association française des aidants », précise Murielle Jamot